Apprentissage d’une langue : Pourquoi commencer l’enseignement très tôt ?
Enseignée à l’école ou transmise à la maison dès le plus jeune âge, une seconde langue ouvre aux enfants bien des horizons. Mais cela ne risque-t-il pas d’être une source de confusion en pleine période d’apprentissage de la langue maternelle ?
Pourquoi commencer l’apprentissage d’une langue étrangère au primaire, ou même dès la
maternelle ?
En raison de la “plasticité auditive” de l'enfant. La recherche a montré que, plus un enfant est
jeune, mieux il perçoit et restitue des sons différents de ceux de sa langue maternelle.
Vers 12 ans, déjà, cette capacité s'amoindrit. En somme, “commencer tôt, c'est parler mieux”,
quelle que soit la langue. Et je dirais même que plus la langue enseignée est éloignée de la langue maternelle, plus on offre à l'enfant la capacité de transférer des compétences acquises pour apprendre d'autres langues.
Comment apprend-on une langue quand on ne sait pas encore lire et écrire dans sa langue maternelle ?
Je dirais presque que l'on apprend à parler une langue étrangère comme on a appris à parler sa langue maternelle. Cela n'est cependant pas tout à fait vrai, car la classe n'est pas un milieu naturel.
L'entrée dans l'apprentissage se fait par des jeux, des chansons, des activités répétées, conduites en
langue étrangère, dans lesquelles l'enfant va progressivement se saisir des repères construits pour créer du sens, isoler des mots, les mémoriser et mémoriser des structures.
Progressivement, il va exercer des compétences de compréhension orale et de production orale en continu pour aller, plus tard, vers la compréhension et la production écrite.
Il est essentiel de conduire des apprentissages ludiques, ritualisés, interactifs, au cours desquels il doit éprouver du plaisir : plaisir des mots, des sons, plaisir aussi de jouer un peu à être quelqu'un d'autre en parlant une autre langue. Pour revenir de façon un peu provocatrice à votre question de départ, attend-on de savoir lire et écrire en français pour s'autoriser à parler ?
Dès le CE1, les enfants sont capables d'entrer progressivement dans le code écrit de la langue étrangère. On pourra ainsi leur proposer la forme écrite de mots ou de formules simples qui auront été mémorisées pour leur permettre d'établir une relation entre chaîne orale et chaîne écrite. À terme, on se rend d'ailleurs compte que les enfants réussissent assez rapidement à prédire, sans beaucoup d'erreurs, la prononciation d'un mot à partir de sa forme écrite.
Et lors de l’apprentissage de la lecture et de l’écriture, la découverte d’une nouvelle langue n’est-elle pas perturbante ?
Au contraire. Apprendre une autre langue et apprendre à lire sa langue maternelle font appel à des processus cognitifs assez semblables : l'enfant, à partir d'indices, élabore des hypothèses de sens, puis il se sert du code (mots appris à l'écrit ou à l'oral) et du contexte (qui parle, à qui, etc. ) pour valider ces hypothèses.
Les enfants s’ouvrent-ils aussi à la culture du pays dont ils apprennent la langue ?
Bien entendu, langue et culture sont indissociables. Entrer dans une langue, c'est entrer dans une culture. On y découvre un rapport parfois semblable, parfois différent au monde. C'est pour l'enfant l'occasion de jeter un regard distancié sur sa propre culture, sur celle de sa famille.
Un jeune enfant est, a priori, plutôt “ethnocentré” (sauf à avoir été éduqué dans deux cultures). Il considère que le monde est à l'identique de ce qu'il vit. Apprendre une langue le conduit en douceur à changer ses représentations, à dépasser les stéréotypes.
En découvrant qu'une langue n'est pas le calque d'une autre (ou ne dit pas les mêmes choses, par exemple, avec le même nombre de mots), il comprend aussi qu'une culture n'est pas supérieure à une autre. Pour cela, de nombreuses classes utilisent un “portfolio européen des langues” dans lequel les enfants sont invités à évoquer leur “biographie langagière”.
Ce document les invite à faire état de leurs pratiques familiales, par des questions de type “à la maison, on parle...” ou “j'ai déjà entendu des mots en...” afin de les aider à sortir, pour certains, d'un “bilinguisme clandestin” ou, pour d'autres, à valoriser toute expérience de l'altérité.
Apprendre une langue étrangère, c'est s'ouvrir au monde et à l'autre pour revenir à
soi, enrichi.
Entretien avec Marie-Claire Mzali, inspectrice de l’Education nationale. Propos recueillis par
Lises
Irlandes-Guilbault.
http://www.vosquestionsdeparents.fr/dossier/544/langues-etrangeres-quapporte-un-enseignement-precoce